La Mort et l'assassin


    Elle n’avait pas vingt ans et se démenait dans le conduit d’aération du hammam. Derrière la grille, elle observait. Cécile s’était octroyé cette pause et ce plaisir sans oublier pour autant son contrat. La tête entre les mains, elle suivait les pas des hommes sous les douches.  Elle aimait les traces de sueur coulant de leur dos, la blancheur des fesses et les muscles qu’ils se frictionnaient. La jeune fille aurait souhaité toucher la peau huilée, en parcourir les courbes et s’y frotter. Rien qu’une fois se lover dans ces bras tendres et doux, les caresser à l’infini dans la chaleur humide des salles. Cécile se rapprocha de la grille pour humer le parfum des huiles, l’odeur forte du musc et cette sueur animale se dégageant des corps. Elle n’aimait aucun individu en particulier, elle les voulait tous. Pas pour une nuit — l’amour est différent —, juste pour contempler, pour toucher le marbre couleur chair.
    Un homme aux tempes grises traversa la salle dans un peignoir blanc. Cécile le reconnut à son teint sombre et à la cicatrice de son cou. Seul un assassin suicidaire pouvait envisager tuer Mahmed Joddar d’un coup de couteau. Le Lion savait se battre. Pourtant, il mourrait ce soir.
    Cécile ne lui laisserait aucune chance. Elle était bien payée.

    Les avenues de Néo-Bagdad sont bordées d’immeubles aux facades de verre. Sombres et terrifiants, ils menacent les passants de les engloutir sous leur poids. De secousses en tremblements de terre, la population a appris à se méfier des gardiens aveugles de la ville. On ne se méfie pas toujours des bonnes personnes.
    L’individu finissant sa cigarette sur le toit du Love Palace reflétait les néons des publicités avec son manteau de cuir. Il toussa et dispersa les volutes de fumée. En face, l’agitation se propageait dans le hammam. Des gardes, lunettes noires et costumes sombres, couraient de salle en salle, l’arme à la main. Ils ouvraient les portes à coups de pied et d’épaule, pénétrant même dans le quartier des femmes. Les vociférations étaient inutiles : un petit fantôme à casquette verte était sorti en longeant une conduite d’eau. Le contrat était rempli.
    Une ombre noire s’approcha de l’homme sur le toit. Une grande faux sur l’épaule, elle s’arrêta à un mètre de lui.
    « Mon oncle, le travail est terminé. Puis-je rentrer chez moi ?
— Bien entendu, Vera. Tu diras au cousin Arthur que je le verrai demain. Je n’ai pas fini ma journée. »
    La Faucheuse parut surprise. D’un geste, elle ramena son arme à l’état de pendentif d’argent, puis écarta les pans de sa cape. Elle appuya sur les facettes de la rosace à sa ceinture, puis disparut.
    Frédéric jeta sa cigarette à terre et l’écrasa du talon.
 
 

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