Voila
une série très étrange, mais qui mérite absolument
que l'on s'y arrête. Malgré ce que les images de la série
peuvent faire croire, il ne s'agit pas d'un clone de Sailor Moon
ou de toute autre série de type Magical Girl. Cette série
possède une vraie personnalité et son succès au Japon
(et en France, je l'espère) ne paraît pas seulement reposer
sur des impératifs commerciaux. En même temps que la série
télévisée, un manga fut publié, et ils présentent
tout deux des différences importantes. Je ne parlerai ici que de
la série télévisée.
Une fois que l'on a renoncé à toute
rationalité et que l'on accepte l'aspect surréaliste de l'univers
présenté et la loufoquerie de nombre de personnages, on peut
se mettre à apprécier Shôjo kakumei Utena. L'essentiel
du scénario étant une suite de duels à l'épée
(manié comme un fleuret, ou comme un sabre suivant les adversaires),
l'intérêt et l'originalité de la série se situe
ailleurs, à la fois dans l'atmosphère graphique et le traitement
psychologique des personnages. Comme le titre japonais l'indique, cette
série est du shôjo, c'est-à-dire une série destinée
principalement aux jeunes filles. Néanmoins, les épisodes
jouent avec cette étiquette et les codes habituels. Les relations
homosexuelles implicites, les longs temps de silence et toute la mise en
scène classique est réutilisée, parodiée, et
réinventée. On peut regarder Utena de plusieurs façons
et chacune est passionnante. On peut se laisser aller aux épisodes
franchements comiques, comme le numéro VIII (le grand trip du riz
au curry - A noter que les éléphants qui font leur apparition
dans la série sont d'Afrique et non d'Inde, ce qui pose problème
!), mais derrière la parodie, l'étude et la présentation
des personnages principaux est approfondie.
L'histoire se déroulant dans un lieu fermé
(l'Académie), le nombre de protagonistes est plutôt restreint.
Pour maintenir le mystère et la magie des relations entre les individus,
on n'apprend que quelques éléments du passé de chacun,
juste suffisamment pour que l'on soit touché, mais pas trop pour
que l'on puisse prendre position. Tous (y compris le machiavélique
Tôga) ont des part d'ombre et de lumière et l'on ne parvient
jamais à entièrement détester l'un des personnages.
L'interprétation est libre, et il est agréable qu'une série
traite intelligemment ses spectateurs avec cette absence de manichéisme.
Chacun a ses motivations et c'est tout l'intérêt de la série
d'en voir les évolutions.
L'autre charme d'Utena vient de la mise en
scène et du design. Outre un penchant certains pour l'Art nouveau
et des influences françaises marquées (Versailles no Bara
a frappé durement), la narration n'est pas classique et se divise
en trois axes. L'axe principal est celui de la vie à l'Académie,
une sorte de perpétuel printemps/été centré
sur la serre des roses où Anthy passe la majorité de son
temps. Le second axe concerne les flashbacks, qui possèdent leur
propre mise en scène. Très souvent, un ou deux personnages
sont "mannequisés", ils n'ont plus de traits et deviennent des pantins
noirs dont on ne voit que les cheveux et les vêtements. Parfois,
personnages à visage et sans visage se rencontrent sans que cela
soit choquant. Les retours en arrière sont de l'ordre de l'onirique,
c'est une reconstruction fantasmée, sauf à de rares exceptions
(cas des relations entre Juri et Shiori). Enfin, le troisième axe
est le plus étrange et le plus absurde, c'est celui des ombres chinoises
A-ko et B-ko, qui sont parfois des métaphores des scènes
réelles, soit des loufoqueries où le rapport avec la série
est parfois très mince. Cette découpe offre l'avantage de
bien différencier les scènes loufoques des parties plus émouvantes
et plus "dures". Il n'y a pas de désamorçage des scènes
tendues par de l'humour, notamment lors des combats. Chacun peut donc s'y
retrouver, tout en conservant le mystère et le merveilleux de l'ambiance.
La structure narrative est une grande réussite puisqu'elle parvient
à donner un ton humoristique sans étouffer les sentiments
de malaise et les ambiguïtés des personnages.
Résumé : Une jeune princesse devenue orpheline reçoit la visite d'un prince. Ce dernier lui offre une bague qui leur permettra de se retrouver un jour. Charmée, la princesse décide de devenir prince pour ressembler à cet être qu'elle admire. Neuf ans plus tard, Tenjô Utena, la princesse, étudie au collège Ôtori dont l'emblême, la rose, est le même que celui sur la bague offerte par le prince. Habillée comme un garçon, elle prend très à coeur son rôle de justicier, même lorsqu'elle défie le vice-président du Conseil des élèves. Leur différent se termine sur l'aire de combat, un promontoire en suspension dans l'air que l'on atteint par un immense escalier en circonvolution. De là, on peut admirer un gigantesque château céleste suspendu à l'envers dans le ciel. Utena et son adversaire, Saionji Kyôichi, sont accueillis par Himemiya Anthy, la "fiancée de la Rose" dont le corps renferme une épée. C'est cette épée dont s'empare Saionji et qui annonce le début du duel. Finalement, Utena remporte le combat et le prix : Anthy. Dès lors, les autres membres du Conseil des élèves (Juri l'escrimeuse, Miki le musicien, Tôga l'idole du collège Ôtori, et Nanami sa soeur) chercheront à reprendre Anthy à Utena. Car qui possède Anthy reçoit aussi un pouvoir : celui de révolutionner le monde. Indifférente à l'enjeu, Utena cherche son prince, mais aussi à libérer Anthy du poids de ce statut de "fiancée de la Rose". Sans cesse, elle cherchera à faire d'elle une jeune fille normale qui peut se lier d'amitié avec chacun.
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