Le Gardien de la Vie

Ce soir quelque chose dans l'air a passé
qui fait pencher la tête;
on voudrait prier pour les prisonniers dont la vie s'arrête.
Et on pense à la vie arrêtée...

A la vie qui ne bouge plus vers la mort
et d'ou l'avenir est absent;
où il faut être inutilement fort
et triste inutilement.

Où tous les jours piétinent sur place,
où toutes les nuits tombent dans l'abîme,
et où  la conscience de l'enfance intime
à ce point s'efface,

qu'on a le coeur trop vieux pour penser un enfant
Ce n'est pas tant que la vie soit hostile;
mais on lui ment,
enfermé dans le bloc d'un sort immobile.

RAINER MARIA RILKE.

(Vergers, poèmes français, 1924 -1925.)
 

    Martina regarda son visage dans le miroir de sa salle de bain. La lumière du spot faisait briller ses longs cheveux noirs. Même après cinquante ans, aucun n'était blanc : c'était l'un des signes de sa particularité. Elle glissa sa main sur la peau de sa joue : elle gardait le velouté de la jeunesse. Pas une ride n’y apparaissait. Pour un peu, Martina était persuadée que ce n'était pas elle qui était reflétée dans ce miroir. Elle en toucha la surface : le contact froid du verre lui rappela la dure réalité. Les yeux étaient toujours aussi brillants qu'à ses vingt ans. C'était le signe de son sale métier. Mais pouvait-on dire que tuer les gens était un métier? De plus, elle n'avait pas choisi, c'était son héritage. Un métier inconnu du reste du monde et pourtant si horrible. Cinquante ans de vie sans vieillir, sans souffrir, sans amour - Comment peut-on aimer sérieusement si l'on est immortelle? Cinquante années passées à apprendre à tuer, et exécuter les missions ordonnées par ses supérieurs. Se balader d'un continent à l'autre, peut-on appeler cela une vie?

    Sur la tablette au-dessus du lavabo, des produits cosmétiques étaient disposés de façon méthodique. Martina considéra un moment les flacons puis de rage, elle les balaya de sa main droite. Les bouteilles éclatèrent sur le sol dans un bruit d'enfer. Les parfums se mêlèrent avec les démaquillants et formèrent un fumet lourd et nauséabond. Martina s'en fichait, elle regardait, avec attention, le sang couler de sa main. La coupure était peu profonde mais le sang suintait de la plaie. Martina fit couler de l'eau pour désinfecter la blessure, puis chercha un sparadrap dans son armoire à pharmacie. Quand la blessure fut soignée, Martina enfila un pull et sortit de la salle de bain, laissant là les débris de verre. Elle sauta à cloche-pied pour enfiler l'une de ses espadrilles et alla faire sa valise. Elle devait de nouveau partir.

    Elle plaça dans sa valise la longue cape grise et son masque, signes de sa fonction. Elle enviait sa mère qui ne s'occupait que d'un seul continent : mais elle était si vieille! Après 400 ans, on peut obtenir certains privilèges. Les soeurs et les frères de Martina, plus âgés, supervisaient les opérations sur quelques pays. Ses soeurs et ses frères! Quelle plaisanterie! Ils avaient tous des pères différents et ne se connaissaient que de nom. Martina n'en avait vu que quelques uns. Comme une bouffée d'air nostalgique, des images de son père lui revinrent en mémoire. L'homme devait être mort depuis longtemps, mais comme elle l'aurait aimé si elle l'avait connu plus âgée! Ses cheveux étaient bien blancs quand Martina n'avait qu'une dizaine d'années. Autant dire qu'elle n'avait pas de père, et les épisodiques apparitions de sa très chère mère ne parvenaient pas à remplacer cette absence d'enfance.

    Martina referma sa valise. Dans moins d'une heure elle devait partir pour le royaume d'Absonie: elle avait reçu le billet d'avion par la poste. Elle enfourna des documents sur le royaume dans son sac reporter : elle les lirait dans l'avion. Enfin, Martina ouvrit un tiroir de sa table de chevet et en sortit son arme. En appuyant sur l’améthyste à son extrémité, le pendentif qu'elle tenait dans sa main s'agrandirait et prendrait la forme d'une faux: La faux de la Mort! Martina et les siens avaient des noms différents suivant les cultures et les pays: Parques, Kali, Erinyes. Mais celui qui convenait le mieux était celui de la Faucheuse. La grande Faucheuse de vie, avec sa cape grise et son allure de squelette. Tel était le métier de Martina, et elle n'en était pas fière. Elle était la mort qui séparait les amants, tuait les enfants, déchirait les amitiés. A la fois charogne, croque-mort, et fléau. Elle était souvent suivie ou devancée par les guerres, les famines, les épidémies. Sa punition était cette immortalité insupportable. Et Martina devrait porter ce poids jusqu'au bout sans pouvoir y renoncer.

*

     Martina fut éblouie par le soleil quand elle sortit du petit quadrimoteur. Il faisait une chaleur accablante sur l'aéroport du royaume d'Absonie. De sa veste, Martina prit ses lunettes de soleil et affronta la chaleur dans les rues de la capitale, Kannandra. La ville était sale et les routes étaient recouvertes par le sable. Il régnait dans la ville une odeur de charogne. Pourtant, sur les prospectus et les livres concernant ce royaume, Kannandra était connue pour sa propreté et sa beauté. Les livres mentent, mais à ce point! Martina en prit son parti et continua son chemin dans les rues : elle désirait se rendre au palais du prince d'Absonie pour reconnaître les lieux. Elle se faufila dans la foule, abondante malgré la chaleur. Bien que réputée riche, la ville comportait un nombre important de mendiants, clochards et autres marginaux. C'est alors que Martina comprit l'origine de l'odeur de cadavre: les morts étaient laissés à même le trottoir et finissaient de se décomposer. Décidément, la réalité de Kannandra était bien affreuse. Ce royaume qui impressionnait ses voisins avec sa puissance et son rayonnement n'avait pas les moyens d'enterrer ses morts! Il y avait un décalage flagrant voire honteux. Comment... ?
« Mademoiselle! Il faut vous protéger! »

    Le type qui l'appelait était un garde de la police de la ville. Il la rejoignit vite, tenant son casque sur la tête, et fouettant l'air avec son bâton pour écarter les quelques personnes qui étaient restées dans la rue.
« - Vous n'avez pas entendu le signal d'alerte? Vite, suivez moi!
– Mais que..? »
    Le garde l'entraîna et lui fit monter un escalier couvert qui donnait sur un petit jardin. Martina regarda le ciel, et enleva ses lunettes : les nuages étaient noirs et annonçaient un orage violent. Pourtant, quelques minutes auparavant, le soleil brillait dans un ciel azur. Le changement ne pouvait s'être opéré aussi vite, sans qu'elle ne s'en aperçoive.

    Un éclair déchira le ciel et le tonnerre ébranla l'air. Martina sursauta de peur.
« – Ce n'est rien, Mademoiselle, lui répéta le garde après un second éclair. Cela arrive souvent depuis le Jour Noir. Le temps change violemment, la pluie et la grêle peuvent succéder au soleil le plus chaud. Nos stations météorologiques tentent de nous prévenir à temps, mais pas toujours. Lundi dernier, il y a eu 128 morts lors d'un ouragan, à quelques kilomètres d'ici. Depuis le Jour Noir, près d'un cinquième de la population du royaume est morte ou déclarée disparue...
– Mais... C'est quoi le Jour Noir? »
Le garde se laissa tomber sur les marches de l'escalier. Il ôta son casque et s’essuya le front. Il avait vraiment l'air désespéré :
« – Le Jour Noir? ... C'est le jour où le Prince est tombé malade. Personne ne sait vraiment de quoi il souffre, mais depuis, rien ne va plus dans le pays. Son oncle essaie de faire tout ce qu'il peut, mais avec ce temps... Toutes les récoltes sont depuis longtemps perdues, le bois pourrit sur place et les denrées alimentaires manquent. La famine gagne du terrain dans les campagnes, et les épidémies sont en train de ravager Kannandra. Il faut que vous repartiez, Mademoiselle! Sauf si vous pouvez guérir le Prince : lui seul a le pouvoir de repousser les nuages et la Mort! »

    La pluie se calmait déjà quand Martina quitta le garde. Elle réajusta le col de sa veste pour se protéger du vent. Puis elle rentra à son hôtel: elle n'irait pas au palais dans la journée. Elle jeta sa valise à terre et son sac sur son lit. Puis elle s'effondra dans un fauteuil. De sa fenêtre, elle pouvait voir les grandes tours du palais princier. Ce soir, elle devrait s'y rendre.

    Oui, ce soir, elle avait pour mission de tuer le Prince.

*

    Aucun garde dans le palais ne remarqua la forme grise qui se faufilait parmi les immenses colonnes de marbre et de basalte. Personne ne vit non plus, l'éclat de la lame de sa faux passer devant les miroirs ornés de pierres fines. On ne vit pas non plus, cette forme pénétrer dans la chambre du Prince et s'arrêter à quelques mètres du lit aux montants incrustés d'or et d'argent. Martina regardait le Prince dormir: c'était un enfant d'une douzaine d'années. Ses cheveux blonds étaient en bataille et quelques-uns collaient sur son front en sueur. Le visage était pâle et les traits tirés. L'enfant s'agitait dans son sommeil, il semblait se battre contre sa maladie. Le Prince tenait quelque chose dans ses mains, cela ressemblait à un pendentif: peut-être une amulette donnée par un guérisseur quelconque. Sur la table de chevet, une petite horloge à balancier émettait le principal bruit de la pièce: son tic-tac couvrait le faible souffle de la respiration de l'enfant. De temps en temps, celui-ci était pris d'une convulsion, mais cela ne suffisait pas pour le réveiller. Le Prince se mourait et personne n'était en mesure de le sauver. Cet enfant fragile constituait, pourtant, le principal espoir d'un peuple qui s'éteignait en même temps que son souverain. Le royaume d'Absonie agonisait au rythme de la progression de la maladie de l'enfant.

    Et Martina était chargée de l'achever. C'était elle que l'on avait envoyée pour terminer le travail de la maladie. Elle devait prendre la responsabilité de détruire ce peuple avec un seul coup de sa faux. Cette mort aggraverait les souffrances de tous ces hommes et femmes innocents. Martina eut une grande sensation de vertige. Elle aurait souhaité être ailleurs, connaître la douceur d'un foyer, la tendresse d'un mari... Mais elle était bel et bien là, devant l'enfant, la faux à la main. Il lui suffisait de l'abattre une seule fois et elle provoquait un véritable génocide. Elle avait beau retourner l'affaire dans tous les sens, le résultat restait toujours le même. L'addition donnait toujours la même somme: des millions de personnes allaient mourir par sa faute. Elle restait paralysée par la peur quand soudain sa lucidité revint : elle prit sa décision et en assuma les conséquences. Doucement, lentement, Martina recula et s'éloigna du lit du Prince. Elle ne tuerait pas ce soir. Cela allait faire du bruit parmi les siens, mais tant pis, elle s'expliquerait et tenterait de les convaincre. Après tout, n'était-ce pas arrivé auparavant? N'y avait-il pas déjà eu des cas où la Mort avait renoncé à tuer? Martina préférait affronter sa mère plutôt que sa propre conscience.

    L'ombre grise quitta la salle où dormait le prince sous les yeux d'un homme caché derrière l'une des énormes tentures de la salle de bal. L'homme rengaina son épée et partit se coucher. Le prince continuerait à vivre ce soir.

*

    Martina pliait sa cape grise quand elle entendit une voix familière dans son dos:
– Salut, soeurette! Alors? On se révolte ? T'as vraiment envie de te faire passer un savon par maman?
– Frédéric? Tu es là?
    Un jeune homme avoisinant la trentaine, s’assit de manière désinvolte sur le lit, se laissa tomber dessus et croisa les bras derrière sa tête. Il souffla pour écarter la mèche châtain qui lui barrait le front, et frotta ses bottes l’une contre l’autre :
– Ecoute, frangine, je te rappelle, à tout hasard que tu es sur mon territoire ! Si on te confie ce travail, c’est qu’il est pénible, sinon mes services peuvent le faire : cela fait partie de ta formation.
    Frédéric redevint sérieux. Il regarda au plafond sans rien dire, puis reposa ses yeux sur Martina. A chaque fois qu’il prenait cet air là, il devenait inquiétant.
– J'ai un mort en attente. Il va falloir que tu puisses présenter de sérieuses raisons pour éviter la colère de notre mère! Je lui ai transmis l'affaire, elle vient sur le champ! Autant te dire qu'elle ne sera pas de très bonne humeur!
– Oh ça va! C'est déjà assez difficile comme ça, ce n'est vraiment pas la peine d'en rajouter!
– Oh, toi, tu nous ferais pas une crise d'adolescence par hasard? conclut Frédéric avec un sourire en coin.

    L'instant d'après, une brume grise envahit la pièce et de petits arcs électriques se concentrèrent près du lit de la chambre. La brume se condensa à cet endroit et vira au noir. Finalement, une Faucheuse apparut dans un claquement sec.
« Elle a toujours aimé les entrées théâtrales, notre mère! glissa Frédéric à l'oreille de Martina »

    La Faucheuse enleva son masque après que la brume se fut entièrement dissipée. La mère de Martina avait l'apparence d'une femme d'une quarantaine d'années, mais elle en avait au moins dix fois plus. Ses yeux étaient rouges de fureur :
« - Martina! Je te somme d'expliquer ta conduite!
- Mère! Je refuse de tuer l'enfant! »

    La mère eut un mouvement de recul. Elle fit glisser ses mains sur le manche de sa faux. Sa colère parut s'évanouir dans l'air, mais le ton de sa voix restait très sec.
« - On ne te donne pas le choix! Je sais que c'est un travail difficile, mais tu dois le faire en dépit de tes jugements personnels!
- Mais, mère, si je tue l'enfant, ce peuple - Martina pointa la fenêtre -va mourir. Seul l'enfant peut arrêter ce qui ravage Kannandra, il est magicien, non ? Il est leur seul espoir! N'est- ce pas Frédéric?
- Hum ... mmoui... Le Prince est aussi appelé « l'enfant à la marque »: il porte une tache bleue sur sa cuisse gauche. Cela a l’air de lui conférer de grands pouvoirs. Grâce à eux, il commande aux nuages, fait pousser les récoltes, empêche le sable de recouvrir les routes, protège des maladies. Il fait tout, quoi ! Sauf gagner à la loterie...
- C'est cet enfant qui maintient ce pays en vie, mère! Je ne peux pas prendre la responsabilité de le tuer. Pourquoi devons- nous faire ce travail ? C’est si inhumain, et nous ne sommes pas des dieux !
- Ha ! s’exclama Frédéric. Disons que le type qui a décidé ça n’avait pas mieux sous la main que nous et, qu’en plus, il trouvait l’idée séduisante et amusante...
- Frédéric ! tonna sèchement sa mère.
    Celui-ci tourna la tête vers elle, le sourire au coin de la bouche et les yeux mi-clos. Frédéric savourait la colère de sa mère. Celle-ci reprit sa conversation avec Martina.
- Chère Martina, nous ne sommes pas des enfants de choeur! L'enfant doit mourir, c’est tout! Si le peuple doit périr, il périra. Et ce n'est pas toi, à ton âge, qui va en décider autrement! Il ne faudrait pas que tu croies que l'on fait mourir les gens à la légère. Toutes nos décisions sont mûrement réfléchies, et nous nous déterminons à partir d'une vision globale de la situation et non au niveau d'un seul pays, aussi important soit-il !
– Alors, expliquez-moi pourquoi vous voulez tuer cet enfant! J’obéirai, mais je veux savoir pourquoi ! Il ne représente aucune menace pour le monde, son peuple est pacifique...
– Suffit! Je t'ai déjà dit que tu ne pouvais revenir sur nos décisions. Quant à l'enfant, il doit mourir ce soir. Chaque heure qui passe, le rend un peu plus malheureux.
– Malheureux ? Pourquoi ne pas tout me dire ?
– Tu dois obéir sans discuter. Il n’existe pas de justification à chaque mort, pas de justice dans ce domaine. Alors tu dois apprendre à m’obéir !
    Martina soutint le regard de sa mère, en vain. La voix était irrévocable et sèche. 400 ans donnent de l’assurance et de l’autorité, et finalement, Martina s’avoua vaincue. Elle irait au palais, elle tuerait le prince, et assumerait les conséquences. Cependant, elle percevait une éclaircie dans cette noirceur et elle s’y accrochait pour trouver un peu de motivation. Juste ce qu’il faut. Elle porta la main à son pendentif et celui-ci émit sa trille caractéristique. Les sections du manche glissèrent hors de leur logement et le bois grossit. La lame se para de teintes bleues et orangées, des diodes lumineuses ornaient la tête. Mais c’était le fil de la faux qui était la partie la plus importante. Plus fin que le rasoir, parcouru de minuscules circuits électroniques, il semblait pulser, doué d’une vie que l’arme s’acharnait à faire disparaître. Jadis objet magique et mystérieux, la Faux avait été améliorée, perfectionnée durant des générations pour devenir une merveille de technologie, froide et impersonnelle. Tout le contraire de ce à quoi aspirait Martina.

– Ah, décidément, reprit la mère, tu ressembles bien à ton père, Martina! Tu es aussi sentimentale que lui! »
Martina remarqua le léger soupir de la Faucheuse et profita de cet accès de faiblesse.
« – Mère, comment était-il, mon père?
– Bah... » Elle soupira de nouveau. « C'était un bel homme... Enfin, à mes yeux, il l'était. Il était doux, calme, et un peu rêveur. Il a disparu lors d'une révolution en Indonésie: c'était un idéaliste modéré. Ce sont eux qui meurent les premiers. Heureusement, ce n'est pas moi qui ai dû m'occuper de lui!
– Et si ç’avait été le cas?
– J'aurais fait mon travail, si c'est ce que tu veux savoir! L'équilibre entre la vie et la mort prime avant tout! »
Et sur ces derniers mots, la mère de Martina disparut dans un grondement.

« – Eh bien! s'exclama Frédéric. Tu as eu beaucoup de chance. Je crois que notre mère a apprécié ta franchise. D'habitude, tout le monde implore son pardon et fond en larmes! Mais bon, après tout, tu es encore en phase d’apprentissage, on te tolère quelques écarts. Elle a même consenti à parler de ton père. Bigre! Je n'ai jamais eu droit à tant d'honneur. Je la soupçonne d'avoir une légère préférence pour sa petite dernière!
– Jusqu'à la prochaine naissance...
    Frédéric resserra sa ceinture de téléportation. C’est grâce à elle qu’il était arrivé, et c’est par ce même moyen qu’il repartait. Déjà, la rosace métallique sur la boucle tournait sur elle- même et émettait des parcelles de lumières colorées autour de la taille du Faucheur.
– A son âge, elle est plutôt faite pour être grand-mère! Quoiqu'elle ait su garder son teint de jeune fille!
– Ferme-là, tu veux? »
    Frédéric disparut sans un bruit, environné de couleurs.
 

*


    De nouveau, Martina parcourut les allées des jardins du palais. Elle s'enfonça dans le labyrinthe des couloirs, passa sous les massives arcades aux fresques colorées. Elle remarqua la présence de braseros supplémentaires qui créaient une luminosité peu propice à la dissimulation. Martina retrouva facilement le chemin menant à la porte de la chambre du Prince. Elle prit un couloir et se retrouva devant les deux énormes vantaux de bronze. Mais cette fois-ci l'endroit n'était pas abandonné: des gardes faisaient face à Martina et près de la porte se tenait un homme d'une quarantaine d'années qui brandissait une épée.
– Plus un geste, cria-t-il, je sais qui tu es et tu ne franchiras pas le seuil de cette porte! Tu es Kali et tu veux prendre la vie de mon Prince. Par les dieux du Parmondium et leur père tout puissant Harmali, je te somme de retourner périr dans les flammes, démon! »
    Un cercle de feu jaillit tout autour de Martina et son diamètre diminuait. Elle allait être rôtie! Même si elle se savait immortelle, Martina ne désirait pas se faire brûler. Prenant son courage à deux mains, elle franchit le cercle de flammes. Un pan de sa cape menaça de prendre feu, mais quelques coups de talons réduisirent le sinistre. Rassurée, elle se tourna de nouveau vers l’homme qui lui avait joué ce tour. Seul un prêtre pouvait la voir malgré sa nature, mais il avait néanmoins du courage pour l’affronter. Le type n'avait pas l'air d'avoir peur, et c'était comme s'il avait prévu l'échec de sa tentative.
« – Kali! Pardonne-moi, je te supplie d'épargner la vie de mon prince. Il est jeune, son peuple l'aime et attend sa guérison. Es-tu assez cruelle pour laisser un peuple mourir? »
Ah... Il l’aurait vue la nuit précédente, Martina aurait reculé, mais ce soir, il n’en était plus question.
– Comment t'appelles-tu, homme?
– Je suis l'oncle du Prince, Ibn Khéoud. Si tu veux une vie, prends la mienne, mais épargne le Prince et tu épargneras mon peuple!
– Suffit! On ne peux pas échanger une vie contre une autre comme on échange des bêtes sur un marché! Je prendrai la vie du Prince quoi qu'il arrive!
– Cruel démon! Quand cesseras-tu de nous faire souffrir? Pourquoi prendre la vie du Prince quand le tyran Manangeri martyrise encore son peuple? Pourquoi prendre l'agneau quand tu pourrais nous débarrasser de la vermine?
– Tout arrive quand cela doit arriver et ce n'est pas toi, Ibn Khéoud, qui peut me juger! Je suis un dieu, et un dieu n'a pas à se justifier! »
    Martina fut satisfaite de cette réplique qui lui évitait des explications difficiles. Cela ne parut pas contenter son adversaire qui appela ses gardes à sa rescousse:
« – Maîtrisez-là! Ce n'est pas Kali! Elle porte des chaussures! »

    Et Merde!

    Martina se crispa sur le manche de sa faux : il lui faudrait se battre. Tout ça pour un bout de talon dépassant de sa cape brûlée. Convaincus de ne plus avoir affaire à un dieu, les gardes galvanisés par le prêtre-guerrier étaient désormais en mesure de la voir. Humaine et reconnue comme telle, Martina leur apparaissait vulnérable. Leur analyse était presque juste.
Le premier garde s'avança, il était à cinq mètres d'elle, quand elle abattit sa faux. La lame fendit l'air et l'homme s'effondra à terre, pris de convulsions. Les gardes étaient une demi-douzaine, mais Martina avait l'avantage de son arme. La lame chanta plusieurs fois et Martina se retrouva seule avec Ibn Khéoud.
« – Alors? Crois-tu encore que je ne suis pas Kali?
– Mais...
– Je porte des chaussures, et alors? »
    L'homme se recroquevilla sur lui-même et paraissait misérable. Martina avança pour l'écarter de la porte quand il bondit sur elle avec son épée.
– Vive le Prince et le Royaume ! » cria-t-il.

    Son arme tinta en tombant sur le sol carrelé. Ibn Khéoud s'effondra, assommé par le pommeau du manche de la faux. Martina haleta : elle avait la voie libre. De nouveau, la voix claire de son frère se fit entendre sous les arcades:
« – Hé bien! T'en as fait des dégâts! Ca va faire bien sur mes statistiques!
– Tu es là? Comment...?
– Ecoute, avec tous les types que tu viens d'envoyer manger les pissenlits par la racine, il ne faut pas t'étonner de ma présence. J'avais l'impression que toutes les trompes de l'enfer avaient sonné dans ma tête. Déjà que depuis le Jour Noir, comme ils disent, je fais des heures sup’... Tiens ! ca me fait penser que j’ai oublié de demander à notre mère des ordinateurs supplémentaires pour rédiger les ordres de mission. Si tu t’y mets, je n’arriverai jamais à mettre à jour mes bases de données ! Enfin, il est vrai que tu es ma petite sœur catastrophe!
– Il y a des jours où j'apprécie mal ton humour! »

*

    Frédéric et Martina ouvrirent les grands vantaux de la chambre du Prince. L'enfant dormait toujours sous la lumière d'un candélabre. Frédéric enleva son masque:
« – Ce qu'il peut faire chaud là-dessous! Je comprends pourquoi ce gosse est malade. Il fait une chaleur à crever! »

    Mais Martina n'écoutait plus son frère. Elle était entièrement concentrée sur le visage du Prince. Dans sa tête résonnait l'ordre de sa mère: il fallait tuer le Prince. Martina s'approcha du lit du petit malade. Elle leva sa faux et l'abattit.

    Le bruit fut épouvantable. Ce fut comme si des cloches sonnaient dans la pièce. Martina leva son arme et regarda Frédéric. Il fronçait les sourcils, visiblement ennuyé par cet obstacle.
« - L'enfant a posé des barrières autour de lui! Ce n'était pas prévu!
- Ce bruit! Les gardes vont venir voir!
– Non! Le bruit n'a retenti que dans la pièce. Je crois que ce système d'alarme est plus à usage interne que pour prévenir un assassinat. Tous les médecins qui sont venus le soigner en ont fait l'expérience: il refuse les soins! Mais je ne pensais pas que son truc était assez puissant pour nous contrecarrer!
– Toi, tu sais plus que ce que tu as daigné me révéler!
– Non, je ne sais que ce que j'ai pu récupérer dans les rues. Les gens de la rue en savent plus que les courtisans. Le Prince a refusé les soins, je ne sais rien de plus. Je te le jure!
– Je ne peux que te croire, de toute façon! Tout ça ne me dit pas comment en finir avec lui! »

    Elle abattit de nouveau sa lame, et les cloches invisibles continuèrent de sonner en réponse. Soudain, l'air autour du lit parut s'illuminer et se transforma en une sphère de lumière blanche: Martina ne parvenait plus à distinguer la silhouette du Prince dans cette clarté.
– Il s'ouvre ! s'exclama Frédéric. Il baisse ses défenses, il nous invite à venir le rejoindre dans son monde! Il faut y aller!
– Minute ! C'est moi qui vais y aller. Je vais te donner ma cape, mon masque et ma faux : je ne tiens pas à lui faire peur. De ton côté, tu vas me protéger si jamais des gardes s'amusaient à venir voir ce qui se trame ici!
– C'est bon, mais prends garde à toi : là où tu vas, je ne peux te défendre!
– Allons, voilà que mon frère joue les mères- poules ! »

    Martina était de nouveau en costume de ville : veste blanche sur pantalon blanc. Elle était plus faite pour aller à un mariage que pour un assassinat.
    Martina s'approcha de la boule de lumière, elle posa sa main dessus : ses doigts s'enfoncèrent comme à travers un rideau. Elle regarda son frère dont les yeux cachaient mal l'inquiétude. Elle sourit pour le rassurer puis continua de s'enfoncer dans la lumière. Elle passa de l'autre côté.
    Tout le paysage baignait dans une clarté laiteuse. Les arbres, l'eau, le ciel, tout était comme pastellisé. Un vent doux balayait les champs qui l’entouraient. Martina se baissa pour toucher l’herbe tiède. Un monde délicat et chaud s’offrait à elle, lui faisant oublier la réalité à l’extérieur. Pour un instant, elle oubliait sa profession, retrouvait son humanité. Elle entendit une petite voix qui l'appelait.
« – Madame! Madame! »
    Le Prince arrivait sautant et courant à travers les buissons et les futaies. Il était en nage quand il s'arrêta près de Martina.
« – Hé bien! s'écria-t- elle. Tu parais bien pressé de me voir!
– C'est.. qu'il n'y a... personne ici ... Alors...
– Tu inquiètes tout le monde dehors, qu'est ce que tu as?
– Rien! J'en avais assez, c'est tout! Je voulais jouer avec des copains, mais je n'en ai pas! Le cuisinier refuse de faire les plats que je désire. Il me dit que si je mange trop sucré, je risque de perdre mon pouvoir. Alors...
– Mais on ne se tue pas parce qu'on veut des sucreries!
Martina s'agenouilla et caressa les cheveux blonds du Prince. L'enfant sourit et jeta ses bras autour du cou de la femme.
« – Restez ici! ordonna le Prince. Je m'ennuie ici! Il y a tous ces gens qui me demandent de faire pleuvoir sur un champ, de faire pousser des patates, de repousser des hordes de sauterelles. Si seulement ils pouvaient me laisser tranquille de temps en temps!
– Mais ton peuple t'aime, et tu les rends heureux avec ton pouvoir!
– J'ai rien demandé à personne, moi ! Si mon peuple m'aime, c'est uniquement parce que je fais grossir leurs potirons ! C'est parce que je les rends riches qu'ils m'aiment, c'est tout!
– Tu es injuste! Dehors, ils meurent de faim et te réclament, tu es leur espoir: ils savent bien que tu leur es indispensable!
– Vous voulez me ramener de l'autre côté, c'est ça?
– Non! Je suis une étrangère, je n'ai aucun intérêt à te faire passer de l'autre côté, comme tu dis! »
    L'enfant regarda attentivement Martina. Son visage avait la gravité qu'ont les enfants face à des problèmes. Mais lui, le Prince, jouait sa vie en face de la Mort, en personne.
« – Vous ressemblez à ma mère! Vous avez le même visage que celui de ma mère. Elle avait des cheveux noirs, elle aussi. Mon père était très blond, au contraire...
– Où sont tes parents? »

    Martina sentit qu'elle avait touché le coeur du problème. Le Prince ouvrit sa main droite et montra le pendentif. Un petit cadre doré protégeait la photographie d'un couple : la femme était brune et un diadème brillait dans ses cheveux, l'homme était très blond et portait une petite moustache, il arborait un très large sourire. Sa couronne était un brin trop grande pour sa tête et il était obligé de la maintenir d'une main.
« – Ce sont tes parents? Ils sont beaux! Ils...
– ...sont morts, oui, ils se sont jetés du haut d'une tour quand j'avais cinq ans. C'était la prophétie, c’est tout ce que j’en sais ! Ils disaient que c'était pour le bien du royaume! Mais je n'avais que cinq ans! Est-ce normal que les parents disparaissent quand on n'a que cinq ans ? Est-ce juste que le bonheur d’un peuple se construise ainsi ? J'aurais tant besoin de mon père et de ma mère... J'ai lu dans les livres que les mères veillent sur les enfants malades : il n'y a personne près de mon lit la nuit! »

    Prince orphelin, ces mots que tu dis n'auraient pu trouver meilleur écho dans le coeur de Martina. N'était-elle pas, elle aussi, orpheline de père et presque de mère ? N'était-elle pas elle aussi obligée de faire un métier qu'elle n'avait pas choisi ? Oh, Prince, tu n'aurais pu trouver personne plus compréhensive! Tu te trouves être le jouet d'hommes incapables de comprendre que malgré ton pouvoir, tu puisses rester un enfant.

    Martina serra le Prince dans ses bras. Il avait tant besoin de tendresse, et Martina en avait tant à donner depuis cinquante ans d'immortalité. Cet enfant qui s'était rendu si malade, parce qu'il voulait seulement retrouver ses parents, lui donnait l'occasion de saisir un instant de bonheur.
    Puis il lui fallut repartir. Elle savait comment rendre cet enfant heureux.
« – Prince, vous pouvez rejoindre vos parents, si vous me faites confiance! Faites disparaître vos barrières et je serais en mesure de vous laisser les retrouver là où ils sont! Est-ce que vous comprenez, ce que je veux dire?
– Euh, je crois... Ca fera mal?
    Martina caressa les cheveux du prince et secoua la tête. Elle n’avait aucune raison de lui faire du mal : elle l’aimait trop. L'enfant sourit et prit la main de Martina:
« – Je suis sûr que ma mère aurait aimé vous rencontrer! »

    Ils se quittèrent tous les deux sur ces mots.

*

    Martina se retrouva assise sur le lit du Prince, sous l'oeil inquiet de Frédéric. D'un signe, elle le rassura. Elle remit ses habits de faucheuse et reprit position au-dessus de l'enfant qui luttait toujours contre la maladie qui le rongeait. Mais c'était le corps qui se battait, par réflexe, l'esprit avait depuis longtemps abandonné la partie.
« - Tu vas le tuer, alors? demanda Frédéric
- Oui, et plus que jamais maintenant que je sais pourquoi ma mère tient à sa mort! »
     Frédéric retrouva le sourire:
« – Souvent femme varie, fol qui s'y fie!
– Toi ! un jour, il faudra que je t'apprenne à respecter un peu plus tes consoeurs!
– J'en frémis de peur ! » dit-il en riant.

    Martina se concentra de nouveau sur sa tâche ; elle avait promis de ne pas faire mal. Elle leva sa faux et l'abattit. Tout se passa dans un silence complet. Finalement, les deux faucheurs s'approchèrent de l'enfant mort. Le visage était calme, réconcilié. Martina souhaita que le Prince ait retrouvé ses parents, mais ce n'était plus son affaire.
– Il reste encore à mettre une dernière chose au point ! S’exclama Martina.
– Perfectionniste va! Je crois qu'il va falloir remettre les masques! Je te réveille l'oncle?
– Dis ? tu lis dans mes pensées?
– Dieu m'en garde, j'aurais trop peur de me perdre à l'intérieur!
– Pourquoi tu détournes toujours les questions?
– Ce ne sont pas les questions que je détourne, mais les réponses!

    Martina laissa tomber : son frère restait une énigme pour elle. Sa mère lui avait dit un jour de se méfier de lui. Mais excepté son allure nonchalante et son mauvais esprit continuel, elle ne voyait aucune menace en lui. Ibn Khéoud venait de se réveiller quand elle sortit de la chambre du Prince.
« – Le Prince... ?
— Il repose enfin en paix ! tonna Martina.
—Vous avez osé tué le Prince! Mon peuple est perdu!
— Il l'était dès lors que les parents du Prince étaient morts ! La maladie était la seule façon qu'il avait trouvée pour être tranquille. Il fallait lui laisser ses parents!
– Mais la prophétie? Elle disait que l'enfant à la marque ne garderait son pouvoir que si ses parents disparaissaient le jour de ses cinq ans. Le couple royal s'est sacrifié pour le bonheur du royaume!
– Pauvres fous! Toutes ces souffrances à cause d'une prophétie... Frédéric était furieux.
– C'est le Codex ! Depuis sa découverte, tous les dires des prêtres Abarites, toutes leurs visions et leurs divinations se sont révélées exactes!
– Ce petit jeu peut durer longtemps! Fit remarquer Martina. Il y a beaucoup de prophéties de ce style?
– La Bibliothèque royale ne comporte que cela!
– Conduisez-nous là-bas, Ibn! » Ordonna Frédéric.
    Ibn, tremblant, - il marchait, tout de même, en compagnie de la Mort- - ouvrit la porte de la grande salle de la Bibliothèque. Les rayonnages couverts de poussière fourmillaient d'ouvrages compilant les délires de prophètes en tous genres: depuis le colporteur de rumeurs, le mendiant, jusqu'à l'archiprêtre le plus réputé.
« – C'est la plus belle collection d'idioties que j'aie jamais vue! s'exclama Frédéric en ouvrant un livre relié pleine peau.
– Il y a de quoi tuer des générations et des générations d'humains là-dedans! conclut Martina.
– C'est le patrimoine de l'humanité! s'indigna Ibn Khéoud. Ces exemplaires sont souvent uniques!
– Merveilleuse nouvelle! » s’exclama Frédéric, réprimant un rire.
    Les deux faucheurs s'échangèrent quelques mots à l'oreille. Leurs armes s’illuminèrent et ronronnèrent de concert. Khéoud, terrorisé, se blottit dans un coin de la salle et y resta prostré. Martina sourit puis se tourna vers Frédéric, et ils levèrent tous deux leurs faux. Quand les lames s'entrechoquèrent, les livres partirent instantanément en poussière. Tout objet est mortel...

*

    Martina attendait son avion : la pluie avait cessé de tomber par rafales violentes. Apparemment, c'était le Prince qui avait provoqué les brusques changements climatiques. C'était sa façon à lui de venger la mort de ses parents. Frédéric arriva, haletant:
« – Ouf! J'ai bien cru que tu allais partir sans t'avoir dit adieu!
– Fichtre! Tu es bien habillé: costard-cravate! Eh bien!
– Ca change du bleu de travail! Je me suis mis sur mon trente-et-un pour t'annoncer la nouvelle!
     Frédéric sourit:
– C'est notre mère qui m'a appelé. Elle m'a demandé de te faire la commission. Elle avait l'air contente de ton travail, même si ...
– Accouche!
– Tu viens d'être admise en poste fixe! Tu peux choisir le lieu de ton action. C'est fini les voyages aux quatre coins du monde!
– Tout n'aura pas été inutile, en fin de compte. Je serais libre de tuer mes voisins et mes amis. Joyeux programme!
– Je crois que le moment est venu de te répéter ce que notre mère m'avait dit le jour de ma titularisation! Sinon, tu vas continuer à déprimer bêtement! Les gens nous associent à tout ce qu'il y a de plus affreux, de plus terrible, mais c'est grâce à ça qu'ils nous supportent. Ils nous croient leur ennemi suprême. Mais ce n'est pas notre fonction réelle, Martina ! C'est parce que nous existons que les hommes peuvent prendre véritablement conscience du prix de la vie. Si nous n'étions pas là, ils prendraient la vie à la légère, et des enfants continueraient à souffrir de la bêtise de certains. La Mort, gardien de la Vie, ce n'est pas la première fois que Dame Nature nous gratifie d'un de ces paradoxes dont elle a le secret. C’est pourquoi notre responsabilité est grande, mais essentielle. Nous ne devons pas tuer à la légère, par pulsions. Si nous cédions à nos sentiments, l'équilibre fragile entre la Vie et la Mort serait rompu, et alors, à ce moment-là, les morts seraient vraiment injustes. Souviens-toi, Martina, nous sommes les gardiens de la Vie! ... Tiens! On dirait que c'est ton avion! Dépêche-toi de partir !
    Martina souleva sa valise et embrassa son frère.
– Adieu et merci pour tous tes conseils! Je t'enverrai des cartes postales. Ah...! J'allais oublier! Il faudrait que tu te décides à cirer tes chaussures, ça casse l'ensemble!
– De toute façon, elles ne sont pas à moi! Adieu, reviens me voir de temps en temps: j'aurai toujours du travail pour toi!
    Martina haussa les épaules et monta dans l'avion. Le petit quadrimoteur roula sur la piste puis s'éleva dans les airs. Et tandis que Martina s'envolait vers sa patrie, elle repensa à ce que son frère venait de lui dire si rapidement.

    Maintenant, Martina était réellement un gardien de la Vie.

     FIN
( Olivier Paquet. 29 Août 1993)
 

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