Parcours d'un auteur
Comment et pourquoi
se décide-t-on un jour à écrire et comment parvenir
à l'équilibre nécessaire qui permet de passer de l'amateur
seul dans son coin, au presque professionnel qui est payé pour les
textes qu'il soumet ? Je n'aurais pas la prétention de parler au
nom des professionnels, donc restons avec les amateurs.
Dans
les limbes de l'écriture
Fasse que jamais on ne me pose directement cette question
! Je ne crois pas que l'on se décide à écrire pour
de bonnes raisons. Les miennes se trouvent dans la déception liée
à la pratique des jeux de rôles. Pour résumer, j'étais
arrivé au point où mes personnages étaient trop complexes
pour s'intégrer à un groupe, et où mes scénarii
pouvaient se passer allégrement des joueurs. Prenant acte de ce
problème, j'ai cessé du jour au lendemain de m'adonner à
cette pratique satanique (^_^;). Le reste des raisons se dissimulent dans
mes lectures et des années passées à raconter des
histoires imaginaires quand j'étais seul (ce qui arrive souvent
pour un fils unique, on en conviendra, mais je ne l'ai jamais regretté.
L'ennui est un support indispensable à l'imagination).
Dès le départ, par goût, je
me suis lancé dans le roman. On passait du fantastique contemporain
à la fantasy, pour ne plus lâcher cette dernière. C'était
fortement influencé par Le Champion éternel de Moorcock,
et par le Cycle de Terremer de LeGuin. A l'époque, je pensais
que la fantasy était ce qui me convenait le mieux. J'y reviendrais
sans doute un jour, mais pas tout de suite, voyez-vous.
J'étais au lycée, préparant
un bac C, contraint et forcé par les aléas de la carte scolaire
et de l'amère constatation que la Terminale C concentrait les meilleurs
profs. Donc, entre deux 5 en maths et en physique, j'ai écrit sur
des cahiers à grands carreaux, avec moults ratures et repentances.
Rapidement, je suis passé à l'antiquité de la machine
à écrire, avec les touches qui se coincent et l'impossibilité
de réécrire sans tartiner la page d'aplats blancs du plus
bel effet. Sans terminer le premier roman (qui prenait la forme d'une saga
en 10 volumes), je me suis aventuré dans le cyberpunk (influencé
en cela par le jeu de rôle éponyme). J'ai écrit une
longue novella, puis une autre, mettant en place une série d'aventure
autour d'un ancien pirate informatique devenu mercenaire, sauvé
de la mort par une IA. Plus tard, j'ai rédigé la fin des
aventures de ce personnage, et j'ai fusionné avec la première
pour en faire un premier roman.
Après avoir tapé le mot "Fin", je
suis allé me promener une petite demi-heure, histoire de m'en remettre.
Puis j'ai rangé les feuilles dans un dossier et elles attendent
toujours de revoir un jour la lumière du jour.
Honnêtement, à part une ou deux idées
que j'aime bien, je préfère être le seul à connaître
ce roman.
Retenons de tout ceci que le virus était
installé. J'ai appris à me corriger, à tâtonner,
à râler contre mes fautes, mes maladresses, mais aussi, j'ai
éprouvé du plaisir à retranscrire en mots, ce qui
n'étaient que des visions, des images et de la musique.
Leçon
n°1 : Pour apprendre à écrire, il faut ECRIRE. Et si
l'on trouve que c'est nul, persévérer, sinon, c'est que l'on
a pas tellement envie d'écrire. Rares sont les auteurs qui ont leur
style tout fait, tout propre dès leur premier texte. Il faut apprendre
à quitter l'atmosphère douillette des rédactions du
collège.
-
Comment progresser
dans l'écriture ?
Une fois admis à Sciences-Po Grenoble (Et oui,
nul n'est parfait), je n'ai plus eu envie d'écrire. Tout simplement
parce que je n'en éprouvais plus la nécessité. Je
me sentais bien (et je m'y sens toujours bien), heureux de trouver une
école où la curiosité et l'ouverture d'esprit existent
vraiment. On y trouve des fans de JdR, de Murder Parties (y compris en
pleine bibliothèque), de mangas, de films divers, de sports (notamment
notre fabuleuse équipe de rugby, dont la constance à terminer
dernière du championnat faisait l'admiration de tous. Note : mais
elle se rattrapait souvent en 3ème mi-temps!). Contrairement à
une idée répandue, on y parle peu politique : avec l'habitude,
chacun se fait une rapide opinion du bord politique de l'autre. Et, dans
l'ensemble, l'ambiance est détendue.
J'aurais presque abandonné l'écriture
lorsque, au détour d'un stage d'été à l'URSAFF
de Grenoble, j'ai rencontré un couple très sympathique qui
m'a invité régulièrement à déjeuner.
Ne sachant pas trop comment les remercier, j'ai profité d'un week-end
tranquille pour rédiger une nouvelle tournant autour de l'idée
de la Faucheuse. Là, j'ai senti que quelque chose se passait au
niveau de l'écriture. J'avais délaissé depuis pas
mal d'années les romans de SF (concommittant avec l'arrivée
de Eddings et Simmons/Hypérion), et je lisais de plus en plus de
littérature générale. Peut-être était-ce
aussi l'influence du style Sc-Po (?), toujours est-il que j'ai vu un progrès
notable par rapport à mes textes antérieurs. Le texte a bien
plus à ce couple d'amis et cela m'a encouragé.
La deuxième nouvelle est très à
part, et mérite un peu d'attention. J'avais été très
marqué par la lecture des Belles Endormies de Yasunari Kawabata,
dans la précision et la beauté des descriptions de ces femmes.
Il est vraisemblable que la traduction modifie le style, et sans doute
suis-je tombé dans le piège de cette illusion, mais j'ai
adoré cette façon de décrire (éloignée
du style "à la française"). Après avoir lu de nombreux
autres romans japonais, je sais que ce n'est pas dû uniquement à
la traduction. En tout cas, j'ai voulu imiter, reproduire ce style d'écriture.
J'ai donc produit un texte "à la japonaise", qui n'est ni science-fictif,
ni fantastique, ni fantasy, mais pas tout à fait de la littérature
générale. C'est une nouvelle très courte, une dizaine
de pages, tout au plus, mais j'y suis très attaché. Pour
résumer, je dirais que c'est la description physique et intellectuelle
d'une femme aimée passionnément par un homme sur le point
de mourir. Si l'on veut chercher les raisons de mon style, je crois que
c'est là qu'il faut les chercher, tout y est. Régulièrement,
je relis et réécrit cette nouvelle, comme un exercice que
je m'impose pour constater mes progrès accomplis et à fournir.
Leçon n°2
: Comme les élèves des Beaux-Arts, ne pas hésiter
à copier un style qui vous plaît particulièrement.
C'est un exercice très formateur de déconstruire un style,
d'en repérer les techniques et de chercher à les reproduire.
Une fois, la mécanique comprise, on peut alors déposer sa
touche personnelle sur la toile.
Ensuite, quand bien même l'on se décide
à écrire, la publication amène à remettre en
cause tout ce qu'on a en tête. On se rend alors compte des limites
imposées à la création. Loin d'y voir un inconvénient,
il est plus juste d'accepter cet apprentissage de l'humilité. Voir
Partie II - Les limites de la créativité.
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Pour toute remarque, suggestion ou autre,
écrivez-moi : olivier.paquet@free.fr