Synesthésie





    Les mégavaisseaux Arkosiens avaient posé leurs ancres magnétiques sur les montagnes d’Arpen. Les formes anguleuses des fuselages organiques scintillaient au soleil couchant. Des teintes d’ocre et de rouge faisaient ressortir la silhouette des canons à ondulation, accentuant le climat de terreur. La population d’Alusia était affolée. De temps à autre, des bulles étincelantes filaient entre les navires, signalant l’intense activité des conquérants. Ils entouraient la vallée et attendaient notre reddition prochaine.

    Plusieurs messages avaient été envoyés sur nos terminaux par les lignes piratées et nous intimaient l’ordre d’ouvrir la Porte TransUnivers. Nous n’avions pas d’arme, mais j’étais le Gouverneur, le seul responsable de la procédure de passage dont ils ignoraient tout. C’est ce qui les empêchait de nous anéantir.

    Sur le chemin montant, balayé par les vents de sable, l’émissaire des Arkosiens est entrée au domaine sur un paronosaure. Elle est descendue de sa monture après avoir passé la grille et l’a laissée boire à l’étang. Son armure de compensation gravitationnelle lui donnait des allures de scarabée mordoré. Sur le blanc du plastron étaient dessinées les formes complexes et sinueuses du totem de son clan. Je fus fasciné par les arabesques et les couleurs violentes qui se débattaient au centre. Bien que ce fût inutile, même pour un Arkosien, elle avait gardé son casque à facettes et je ne vis pas son visage. Peut-être avait-elle des armes ? Je ne sais. J’étais persuadé que c’était une femme que l’on m’avait envoyée : ils agissaient toujours ainsi.

    Les femmes sont les émissaires de cette race. Personne n’a jamais vu un mâle Arkosien, pas même en combat. Encore aurait-il fallu abattre un de leurs chasseurs ! Je ne pense cependant pas qu’il n’y ait que des femmes. C’est une intuition idiote, mais une société aussi avancée, aussi conquérante, aussi dominatrice, ne peut se fonder sur une uniformité. Je crois à la complémentarité : sans doute les hommes ont-ils un rôle différent de celui que j’imagine.

    Même si les Arkosiens sont nos ennemis, ils demeurent pour moi des êtres fascinants.
 
 

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